J.O. 56 du 7 mars 2007
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Observations du Gouvernement sur le recours dirigé contre la loi portant réforme de la protection juridique des majeurs
NOR : CSCL0710101X
Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante sénateurs, d'un recours dirigé contre les articles 39, 40, 41 et 42 de la loi portant réforme de la protection juridique des majeurs, adoptée le 22 février 2007.
Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
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A. - L'article 39 de la loi déférée, modifiant le code de la propriété intellectuelle et le code de commerce, organise la centralisation du registre du commerce et des sociétés auprès du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, en supprimant la double collecte des informations aujourd'hui adressées tant à l'Institut national de la propriété intellectuelle qu'aux greffiers des tribunaux de commerce.
L'article 40 de la loi déférée habilite le Gouvernement, en vertu de l'article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour définir les conditions dans lesquelles les personnes publiques peuvent avoir recours à l'arbitrage dans le cadre de litiges autres que ceux relatifs à la légalité d'actes administratifs unilatéraux et à déterminer les règles relatives à la procédure arbitrale, aux voies de recours et à l'exécution des décisions arbitrales.
L'article 41 de la loi déférée abroge l'article 56 de la loi no 2000-642 du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, qui a ouvert à la concurrence les activités de ventes volontaires aux enchères publiques qui faisaient jusqu'à présent partie du monopole des commissaires-priseurs et a réservé les ventes judiciaires aux seuls commissaires-priseurs judiciaires, officiers ministériels.
L'article 42 de la loi déférée, ajoutant un article L. 111-6-4 au code de la construction et de l'habitation, prévoit que les propriétaires ou, en cas de copropriété, le syndicat représenté par le syndic permettra aux huissiers de justice, pour l'accomplissement de leurs missions de signification, d'accéder aux parties communes des immeubles d'habitation.
Les sénateurs requérants font valoir que ces différents articles auraient été adoptés en méconnaissance des articles 39 et 44 de la Constitution.
B. - Cette critique appelle les observations suivantes.
Il résulte des dispositions combinées des articles 39, 44 et 45 de la Constitution que le droit d'amendement peut s'exercer à chaque stade de la procédure législative, sous réserve des dispositions particulières applicables après la réunion de la commission mixte paritaire.
Le Conseil constitutionnel n'impartit plus à l'exercice du droit d'amendement des limites tenant à l'ampleur intrinsèque des adjonctions ou modifications apportées au texte initial (décision no 2001-445 DC du 19 juin 2001 ; décision no 2001-455 DC du 12 janvier 2002). La seule limite opposable à l'exercice du droit d'amendement, au stade de la première lecture, tient au fait que les adjonctions et modifications apportées au texte en cours de discussion ne peuvent être dépourvues de tout lien avec le texte soumis au Parlement (décision no 2001-455 DC du 12 janvier 2002 ; décision no 2002-459 DC du 22 août 2002 ; décision no 2003-472 DC du 26 juin 2003 ; décision no 2003-481 DC du 30 juillet 2003 ; décision no 2005-532 DC du 19 janvier 2006 ; décision no 2006-533 DC du 16 mars 2006).
Au cas présent, les articles contestés ont été adoptés à la suite d'amendements présentés par le Gouvernement en première lecture au Sénat, c'est-à-dire à un stade du débat parlementaire où des sujets nouveaux peuvent encore être introduits dans le texte en discussion à la condition qu'ils ne soient pas sans lien avec le projet initial, condition que le Conseil constitutionnel apprécie souvent de façon souple. Les articles critiqués traitent de sujets importants qui nécessitent l'intervention à brève échéance de mesures législatives. On peut estimer qu'ils ne sont pas dépourvus de tout lien avec un projet de loi qui entendait procéder à une refonte de l'ensemble des règles applicables à la protection des majeurs et qui comportait de très nombreuses dispositions modifiant plusieurs codes et touchant, sur divers aspects, au fond du droit civil et au droit de la procédure civile.
a) L'article 39 de la loi déférée a pour objet de permettre la modernisation et la rationalisation de la collecte des informations figurant au registre du commerce et des sociétés.
Aujourd'hui, l'Institut national de la propriété intellectuelle centralise les données des registres du commerce et des sociétés (RCS) tenus par les greffiers des tribunaux de commerce et les greffiers des tribunaux d'instance et de grande instance à compétence commerciale et en assure la diffusion. Ce système avait été créé à une époque où le registre était tenu sous forme papier uniquement, pour le cas où un accident détruirait l'original détenu au greffe. Mais le registre du commerce et des sociétés est maintenant informatisé, ce qui fait que la tenue du registre national par l'institut fait aujourd'hui double emploi.
La réforme votée par le législateur permettrait aux entreprises de réaliser une économie sur le montant des redevances qu'elles acquittent actuellement pour la tenue du registre. En outre, regrouper l'ensemble des données publiques relatives aux sociétés issues des greffiers des tribunaux de commerce et des tribunaux de grande instance sur un seul site confié à un organisme d'intérêt général permettrait d'améliorer les contrôles et de renforcer la lutte contre les sociétés fictives.
b) L'article 40 de la loi déférée a pour objet, à la suite des travaux effectués par un groupe de travail institué par le vice-président du Conseil d'Etat, d'habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures législatives permettant aux personnes publiques d'avoir recours au mode alternatif de règlement des litiges que constitue l'arbitrage.
Le recours à l'arbitrage en droit administratif reste soumis au principe de prohibition figurant à l'article 2060 du code civil, sous réserve de quelques dérogations ponctuelles qui ont été organisées par le législateur.
Pour ouvrir davantage le champ de l'arbitrage, une intervention législative est nécessaire pour définir les cas dans lesquels le recours à l'arbitrage serait dorénavant possible et pour déterminer les règles de procédure applicables. Des dispositions de nature réglementaire devraient aussi, en complément, transposer au domaine administratif les dispositions procédurales qui figurent au nouveau code de procédure civile.
Cette réforme importante, qui conduit à déroger à des dispositions figurant au code civil et à prévoir des règles de procédure différentes de celles figurant au nouveau code de procédure civile, n'apparaît pas sans lien avec un projet de loi qui comporte de nombreuses dispositions de droit civil et de procédure civile.
c) L'article 41 de la loi déférée abroge l'article 56 de la loi du 10 juillet 2000 qui permettait aux titulaires de sociétés de ventes volontaires concurrentes d'être nommés dans d'autres offices de commissaires-priseurs judiciaires, créés à cet effet, afin de ne pas devoir rester associés au sein d'un même office. Il s'agissait d'une disposition de nature transitoire qu'il n'y a plus lieu de maintenir.
Si elle subsistait, elle risquerait de conduire à la multiplication des offices de commissaire-priseur judiciaire en dehors de tout contrôle de l'autorité de tutelle, laquelle tient de l'article 91 de la loi du 28 avril 1816 le pouvoir de réduire le nombre d'offices ministériels. Ce risque a été mis en lumière par une décision récente rendue par le Conseil d'Etat statuant au contentieux (CE 13 décembre 2006, Godeau et Leroy, req. no 297428). Le contrôle exercé par l'autorité de tutelle sur le nombre d'offices de commissaires-priseurs judiciaires se justifie par la volonté, partagée par la profession, de ne conserver que des offices économiquement viables, par le biais de regroupement d'offices ou de suppression, ce qui constitue une garantie de l'impartialité de ces officiers ministériels qui, outre leur monopole sur les ventes judiciaires aux enchères, peuvent intervenir dans l'établissement d'inventaires du fait de leur compétence en matière d'estimation de meubles.
On doit observer que ces officiers ministériels interviendront souvent pour établir ces inventaires à la demande du mandataire dans le cadre d'un mandat de protection future (art. 486, 487, 491 et 494 nouveaux du code civil) ou à la demande du tuteur dans le cadre d'une tutelle (art. 503 et 514 nouveaux du code civil). En outre, le présent projet de loi tient aussi compte de leur qualité d'officier ministériel lorsqu'il indique que l'autorisation du conseil de famille sur le prix de vente ne sera pas requis pour la vente forcée des biens du majeur sous tutelle (art. 505 nouveau du code civil).
Dans cette mesure, la disposition adoptée par le législateur n'apparaît pas sans lien avec d'autres dispositions figurant dans le projet de loi initialement déposé par le Gouvernement. On peut considérer qu'elle n'a pas été adoptée en méconnaissance des règles constitutionnelles relatives au droit d'amendement.
d) L'article 42 de la loi déférée a pour objet de remédier à l'impossibilité matérielle, pour les huissiers, d'accéder à l'intérieur des immeubles d'habitation et de vérifier que la personne à laquelle ils doivent délivrer un acte y demeure effectivement. Les huissiers ne disposent, en effet, pas de clefs leurs permettant d'accéder aux boîtes aux lettres des particuliers et aux parties communes des immeubles.
La disposition adoptée par le législateur vise à permettre aux huissiers d'accomplir leurs missions de signification. Sa rédaction est directement inspirée de celle de l'article L. 111-6-3 du code de la construction et de l'habitation, qui résulte de l'article 5 de la loi no 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales et qui concerne les agents des postes et aux porteurs de presse. Il apparaît légitime de donner une possibilité analogue aux huissiers de justice qui ont le statut d'officier public et ministériel et qui participent au service public de la justice. Cette mesure assurera un renforcement des droits de la défense, en facilitant la délivrance des actes à la personne même du destinataire.
Elle n'apparaît dépourvue de tout lien avec d'autres dispositions du projet de loi. En effet, plusieurs dispositions de ce texte, notamment le troisième alinéa de l'article 461 du code civil, le quatrième alinéa de l'article 462 du code civil et le troisième alinéa de l'article 467 du code civil, prévoient des significations faites à la personne du curateur, c'est-à-dire l'intervention d'un huissier de justice, qui, dans l'intérêt des majeurs protégés, doit pouvoir exercer sa mission dans les meilleures conditions possibles sans rencontrer d'obstacles matériels.
Les conditions d'exercice de la profession d'huissier de justice, qui permettent l'exécution effective des mesures civiles, comportent un lien nécessaire avec des dispositions de droit civil ou de procédure civile qui figuraient dans le texte initial présenté par le Gouvernement. Il estime ainsi que l'article 42 de la loi déférée n'a pas été adopté en méconnaissance des règles relatives à l'exercice du droit d'amendement.
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Pour ces raisons, le Gouvernement considère que les critiques adressées par les sénateurs saisissants ne sont pas de nature à justifier la censure des articles critiqués de la loi déférée. C'est pourquoi il demande au Conseil constitutionnel de rejeter le recours dont il est saisi.